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    C'est en novembre dernier qu'on apprenait avec consternation la nouvelle : la géniale série Hellblazer, titre iconique de Vertigo depuis 25 ans, s'arrêtera au #300, achevant du même coup le passionnant run de Milligan sur le personnage, pour être remplacée par une série intitulée Constantine, mettant en scène la version jeune du magicien déjà présente dans la continuité du New 52 en général et de la série Justice League Dark en particulier.

    Dans l'ultime arc Death and Cigarettes, constitué par les trois derniers numéros de la série, Milligan cultive avec grand talent l’ambiguïté autour du destin immédiat de Constantine, dont on ne peut plus juger avec précision du réel statut après le cliffhanger du #298, ainsi que les implications de ces événements sur la vie de son entourage, à commencer par sa femme Epiphany, son beau-père Terry Greaves ou encore sa nièce Gemma. En bon architecte de fin de série, Milligan prend donc soin de faire revenir plusieurs personnages essentiels de la vie du magicien dans le but de clore leur destin en même temps que celui du héros, en ayant par ailleurs la délicatesse de ne pas se focaliser sur les personnages qu'il a créé lui-même dans son run (on appréciera par exemple la visite, bien que confinant légèrement au fan-service, du First of the fallen). La classe. Malgré la peine que l'on ressent à voir la fin du magicien de la classe populaire s'écrire sous nos yeux, on est alternativement ému par la douleur de certains personnages, dégoûté ou révolté parfois, et excité souvent tant grâce aux nombreux rebondissements dont l'auteur parsème son arc au fil des trois numéros (mais plus particulièrement dans le dernier) que grâce à un rythme somme toute assez calme duquel émerge épisodiquement de l'action. Si la décision éditoriale de clore ce chapitre de l'histoire de Vertigo scandalise à juste titre, il est indéniable que Milligan s'y prend avec doigté pour servir un arc final de bonne facture, dont la fin volontairement un peu obscure divisera toutefois le lectorat.

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    Au dessin, on retrouve comme d'habitude le couple Camuncoli & Landini, qui offrent un très bon travail sur cet arc pour peu qu'on soit sensible au style un peu cartoon qui les caractérise. Le travail d'ambiance est parfait et le lecteur, comme dans toute bonne saga de Hellblazer, voyage à travers une Angleterre des bas-fonds très authentique. Toutefois, l'arc étant assez contemplatif et calme, c'est surtout sur le nombre assez conséquent de portraits et de conversations en tout genre que l'équipe artistique attire l'attention du lecteur, et ce de manière très fonctionnelle dans le sens où une réelle véracité dans l'émotion se lit sur les traits des personnages (chez Epiphany notamment). La correspondance entre l'ambiance et le dessin est efficacement soutenue par la coloration, donnant par exemple au #300 une teinte bleu mélancolique (dans les cheveux d'Epiphany comme dans l'environnement) qui renforce l'empathie pour le personnage. On peut enfin louer, comme souvent, le superbe travail de couverture de Simon « Biz » Bisley qui, cette fois, délaisse l'humour dont il fait parfois preuve mais pas son goût pour le symbole : la couverture de l'issue finale représente en effet un Constantine qui tourne les talons, à ses pieds une cigarette finalement écrasée sur le bitume...aucune manière n'eut été meilleure pour signifier au fan la fin de la série.

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    Death and Cigarettes est, sans doute possible, un bon arc de Hellblazer, et il permet à John Constantine de tirer sa révérence avec beaucoup d'émotion tout en conservant cette atmosphère crade et occulte qui constitue le cœur véritable du personnage comme de la série. La lecture laisse, malgré tout, cette sensation de tristesse inhérente à toute fin de série, qui se double de regret et de frustration quand on pense au futur du personnage qui s'annonce aseptisé, grand public, dans des aventures dignes d'histoire de superslip.

    Simon

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    La question de la multiplicité de l'identité et du masque est un thème passionnant et fort propice à foule d'intrigues tortueuses et de rebondissements étonnants, à l'image du théâtre de Marivaux où...ah, on me signale dans l'oreillette que l'étudiant en lettres devrait fermer sa gueule. En 1999, DC relance par le biais de son label Vertigo le personnage de Christopher Chance, alias Human Target (créé par Len Wein et Carmine Infantino) dans une mini en quatre parties écrite par Peter Milligan et dessinée par Edvin Biukovic.

    Christopher Chance est un personnage atypique : spécialiste du déguisement et du combat, il revêt l'identité de ses clients menacés et attire ainsi sur lui les dangers auxquels ces derniers sont exposés : le personnage constitue donc un leurre vivant, d'où son pseudonyme de Human Target, « la cible humain ».

    Situant l'action de sa mini à Los Angeles où Chance vit désormais, Milligan nous présente le personnage dans une situation ambiguë de semi-retraite dont il sera tiré par divers événements qui se mettent en place progressivement, ayant toujours pour toile de fond la lutte d'un révérend contre la criminalité organisée qui gangrène son quartier. Le scénario, particulièrement plaisant à suivre, fait basculer le lecteur entre phases d'action très rythmées et évolution psychologique de personnages jamais manichéens, à la grande force de caractère, le tout accompagné d'une intéressante réflexion sur la question de la recherche de l'identité qui verse dans la folie schizophrénique (d'où la merveilleuse accroche de cette critique !). Le lecteur se prend à douter de qui se cache, à plusieurs reprises, derrière telle identité, trompé par des rebondissements bien amenés (notamment dans le cas du premier cliffhanger). Milligan apporte à la fois au lecteur action et mystère du travestissement dans une histoire originale et jamais ennuyante : le contrat est rempli.

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    Aux dessins, on retrouve l'artiste croate Edvin Biukovic (qui a travaillé notamment sur des minis Star Wars ou sur Grendel Tales), avec un trait réaliste, qui donne beaucoup de caractères tant à chacun des personnages que l'on distingue aisément qu'à la ville de L.A., très bien retranscrite dans ses contrastes (hôtel de luxe, banlieue plus pavillonnaire, ghetto noir, l'église...). Le trait est assez léché grâce à un recours important à la courbe qui dynamise l'ensemble. Le travail de Lee Loughridge comme coloriste soutient à merveille le trait, notamment en proposant grâce à un choix de couleurs assez vives un jeu sur les éclairages tout à fait sympathique à regarder.

    La mini Human Target de 1999 constitue donc une excellente mini, partagée avec brio entre enquête intelligente et action débridée, et à la valeur ajoutée garantie par le jeu de masque qui opère perpétuellement au cours de la lecture. Milligan propose, grâce à cette mini à la saveur de polar, une histoire passionnante qui se suffit à elle-même mais qui peut également être considérée comme une bonne introduction au run qu'il débutera plus tard, en 2003.

    Simon

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    La mini Human Target de Milligan est trouvable en français sur internet dans un tpb Semic du même nom, mais on recommande plutôt le tpb VO qui, pour un bon prix, ajoute à la mini le graphic novel "Human Target : final cut" de très bonne facture également.


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    L'avènement de la nouvelle saison de « Secret Story » vous effraie chaque été ? Le niveau des dialogues d'un épisode des « Marseillais » vous consterne, et vous rêvez de mettre des mandales à Kamel de « Hollywood Girls » ? Ça tombe bien. John Constantine, le magicien de la classe populaire, est comme vous et a l'occasion de régler son contentieux avec la télé réalité dans le graphic novel Dark Entries, publié sous le label Crime de Vertigo en 2009, et dont le pitch de départ évoque une réécriture du principe éculé de la maison hantée : Constantine, détective du paranormal à ses heures, en grosses difficultés financières, est approché par Matthew Keene, un fameux producteur d'émissions de télé réalité à succès, qui lui offre une somme d'argent importante dans le but d'enquêter sur des phénomènes inexplicables survenant sur le plateau de la nouvelle émission Dark Entries, où de jeunes candidats sont enfermés dans une maison hantée.

    On retrouve donc au scénario une personnalité littéraire bien connue, Ian Rankin, dont c'est toutefois le premier essai dans le domaine du comics. Dans cette bande dessinée que l'on peut qualifier de huis clos, la narration se découpe, outre la mise en place initiale, en deux parties qui diffèrent dans l'appréciation de la situation par les personnages (on n'en dira pas plus pour éviter le spoil). Le comic se lit agréablement du fait d'une certaine cohérence des dialogues et d'un dosage satisfaisant du suspens, bien que la formation de romancier de l'auteur se ressente dans le style somme toute inhabituel de l'écriture. L'histoire est globalement bonne sans être excellente, mais bien servie par un twist central que les plus fervents admirateurs du magicien anglais décèleront tout de même probablement, ainsi que par de classiques mais pas inintéressants flashbacks.

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    Pour la partie graphique, on retrouve l'artiste italien Werther Dell'Edera, dont le trait constitue probablement le plus gros obstacle à l'appréciation du titre pour certains lecteurs. En effet, Dark Entries est illustré en noir et blanc avec un style très dépouillé : arrières fonds blancs, visages anguleux, peu de décors (principalement dans la première partie). Malgré tout, ce trait et cette absence de couleurs contribuent tout deux à renforcer l'aspect oppressant de la maison et opèrent un resserrement autour des personnages, notamment lorsqu'ils se groupent, tout à fait intéressant. Le character design de John est, lui aussi, conventionnel, mais après tout n'est ce pas là une bonne chose ? Comme tous les ouvrages de la collection Crime, ce graphic novel comporte une belle couverture de Lee Bermejo dans un style « peinture », assez traditionnelle pour le personnage puisqu'on retrouve des symboles comme la tête de mort, la cigarette et l'imperméable sous la pluie. Enfin, il est intéressant de noter la rupture esthétique entre la partie pré- et la partie post-twist : les pages de la première sont blanches tandis que celles de la seconde sont noires, un moyen original et intéressant d'imprimer les livres.

    Dark Entries constitue donc un album de Hellblazer efficace, qui ne saurait prétendre au titre de meilleure saga du personnage mais qui plaira tout de même aussi bien aux habitués du magicien qui retrouveront une bonne histoire de leur héros favori, qu'aux néophytes qui apprécieront cette introduction dans le domaine de la magie de Constantine sans avoir besoin de pré-requis, à condition de supporter le dépouillement du style graphique.

    Simon

     

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    Dark Entries est trouvable en tpb VF, ou en tpb et HC en VO pour un prix allant d'une douzaine d'euros pour le tpb VO à une quinzaine pour les deux autres format.


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  • punk-rock-jesus-3-cover-Sean-Murphy

     Punk Rock Jesus #3/6

    Cet article dévoile en partie l'intrigue de cette issue, ainsi que des deux premiers numéros. 

     

    En deux numéros seulement, la mini-série de Sean Murphy s'est imposée comme un must-have du comic indépendant. Ce numéro 3 marque déjà la moitié de l'histoire, l'occasion de faire un petit bilan général et de voir quelle direction prend l’œuvre.

     

    Dans les numéros #1 et #2, on assistait à la naissance devant les caméras du monde entier du clone de Jésus-Christ, star d'un nouveau show de télé-réalité. Sur une période d'environ 6 mois, les choses évoluent très vite. La jeune mère déprime, se noie dans l'alcool, tente de s'évader. Ses liens avec le garde de la sécurité, Thomas, deviennent plus amicaux. Tous les personnages sont toujours sous le joug de Slate et de sa logique d'audience et de profit.

    Ce numéro 3 apporte énormément, et pour cause. Chris n'était alors qu'un bébé. Mais les choses évoluant très vite, nous voilà projetés 9 ans plus tard.

     

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    Il a grandi, n'est-ce pas? 

     

    Naturellement, Jésus-bis se voit confronté au monde extérieur, tellement différent du cocon aseptisé des studios de J2. L'école, les amis, les interview... Chris à droit à tout le régime d'un enfant « normal » (ou presque). Mais quand sa mère se fait renvoyer de l'émission, les choses changent. Pas content, le presque-pré-adolescent va commencer à se rebeller et à faire la foire dans les studios, taguant et cassant tout comme un vrai sale jeune de punk (vous commencez à entrevoir le côté Rock du titre?).

    Encore une fois, les choses vont très vite. On passe plusieurs années en quelques pages, les événements s'enchaînent sans aucun temps mort. La fin, encore une fois, nous laisse sur un énorme cliffhanger (que je ne révélerai pas) qui donne une toute nouvelle dimension au titre, nécessitant presque un regard totalement différent sur ce qui s'est produit avant. Où Sean Murphy veut-il nous emmener, je ne sais pas. Mais une chose est sure, j'ai hâte d'y être.

     

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    Cola, l'ours polaire, est toujours là pour notre plus grand plaisir

    Un point que je note tout de même. La menace que représentait les « New American Christians » dans les deux premiers semble un peu passée sous silence. Le danger semble venir de l'intérieur du studio, bien plus que de l'extérieur.

    Si vous en êtes au #3, vous commencez à le savoir, surtout que je le répète dans chacune de mes review, mais Murphy nous donne encore (et toujours) un véritable cours de dessin. Pas besoin de couleur pour rendre les planches magnifiques. Les expressions sont incroyablement bien rendues, sans forcément énormément de détails, tout en accordant une place importante au background. Et le papier est très agréable, loin du papier-journal cheap qu'on retrouve pour certains titres (je pense à Hawkeye...).

     

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    Si vous en doutez encore, je crois que je ne peux plus rien pour vous. Punk Rock Jesus est en phase de devenir un classique incontournable du genre. A la moitié de l'histoire, je ne trouve aucun défaut à ce titre. Si vous n'avez pas commencé, attendez la sortie en HC, ça vaut vraiment le coup. Pourquoi s'en priver ? C'est toujours chez Vertigo, toujours 3$ pour un peu plus de 30 pages.

     

    DevilPoulet


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    Punk Rock Jesus #2/6 - Août 2012 - 3$ Vertigo

     

     

    Attention, chef d’œuvre

    Je vous invite à lire également ma review du premier numéro ici  L'article est garanti 100% sans spoiler.

     

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    Le mois dernier, nous avions droit à un nouveau titre. Publiée chez l'éditeur indépendant Vertigo, la série raconte le lancement d'un show de télé-réalité qui met en scène le clone de Jésus Christ et sa mère. Le premier numéro avait le mérite, en plus de poser des bases solides et d'introduire comme il se doit les personnages, de faire avancer l'histoire assez vite, de fournir énormément de détails sans pour autant étouffer le lecteur.

     

    Le numéro 2 se déroule 6 mois après les événements. Les New American Christians continuent de manifester leur opposition, Thomas est toujours garde de la sécurité, et Slate est toujours le beau salaud qu'on connaît désormais.

    Sean Murphy continue de développer ses personnages. On en apprend un peu plus sur le passé de Thomas, sur ses motivations et ses convictions. Réellement, sa psychologie est approfondi. S'il apparaissait comme un gorille insensible et muet, son rôle dans le programme J2 ne le laisse pas indifférent aux événements et aux tournants que prend l'émission.

     

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    On retrouve également Gwen, la jeune vierge qui fut la mère porteuse. Si elle était assez effacée et réservée dans le numéro un, c'était certainement pour mieux nous en foutre plein la vue. Son caractère évolue, on sent la pression du show qui la porte à bout de nerfs.

     

    Ce numéro voit aussi le vice poussé à son paroxysme. Audience, manipulation, harcèlement, si on savait que la télé-réalité n'est pas un monde de bisounours, Murphy arrive à nous impliquer plus que jamais dans les événements. Le trio Thomas/Gwen/Sarah Epstein est réellement attachant, et on adore détester le producteur.

     

    Murphy à un talent indéniable pour l'écriture et le développement des personnages, mais aussi pour le dessin, puisqu'il assure tout. Je répéterai ce que j'ai déjà dit, mais c'est absolument magnifique. Le titre est en noir est blanc, mais chaque expression, chaque sentiment est incroyablement bien rendu. Les décours fourmillent de détails tout en laissant les éléments importants ressortir, le découpage des cases et des pages rend le tout très dynamique, et Murphy peut même composer dans un registre attendrissant sans tomber dans la facilité et le cul-cul.

     

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    Vous pouvez le dire, c'est absolument magnifique. Et avec les dialogues, je peux vous assurer que ces deux pages relèvent du pur génie.

    Enfin, et comme au premier numéro, le cliffhanger final laisse prévoir quelque chose de grand et de magnifique.

    Je ne vais pas développer plus cette critique, le meilleur moyen est de vous lancer vous même pour voir l'étendue de l’œuvre. Si vous le trouvez, jetez vous sans hésitation sur le #1. 3$ seulement pour 32 pages sans pub. Si je ne devais lire qu'une seule série cet été, ce serait Punk Rock Jesus. 

     

    DevilPoulet


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